La société SRM nous fait cadeau chaque année de quelques enregistrements complets de certaines étapes du Tour de France grâce à des coureurs jouant totalement la transparence. C'est assez rare pour être souligné, et ces fichiers téléchargeables sont une vraie mine d'or pour les passionnés de Powertraining.J'ai suivi ce Cris Anker Sorensen (CAS) pendant tout son périple et cette étape n°20 est une des plus intéressantes car elle fait débat avec celle de Verbier dans la représentation des puissances que le commun des mortels a pu suivre dans l'article d'Antoine Vayer dans Libé. Je ne rentrerai pas dans la polémique, il est juste question ici de retirer quelques infos importantes et utiles à nos entraînements.
1/Les bases
CAS est un coureur Danois né en 1984, il pèse 63 kg pour ce Tour et sa FTP est évaluée à 380w, ce qui se confirmera dans cette analyse. Il a donc un rapport poids puissance de 6W/kg au seuil, ce qui est remarquable mais reste dans les zones humainement admissibles. C'est d'ailleurs une valeur assez commune pour ce que nous appelons "les seconds couteaux de luxe". Sa FC max est de 188 bpm, et sa fréquence au seuil est de 175 bpm, soit 93%.
2/ L'étape: phase d'approche
La montée du Ventoux étant située en fin d'étape, plusieurs petits cols ont été avalés auparavant.
- Tous les cols d'approches ont été montés à environ 5.15W/kg, ce qui est assez représentatif du peloton qui est resté majoritairement groupé jusqu'au pied du Ventoux. Cela montre l'extraordinaire réserve de puissance des pros, certains étaient probablement plus proches de leur FTP que CAS, mais globalement ils ont effectué cette approche à l'économie. C'est le cas d'ailleurs sur la majorité des grosses étapes de montagne pour lesquelles il ne se passe rien avant l'emballage final.
- Notons la FC lors de ces grimpées: elle reste sagement aux alentours de 150 bpm pour CAS, probablement son premier seuil lors de cette fin de tour. En tous les cas jamais en zone rouge avant le Ventoux! et pourtant, à 325w, ça doit tout de même rouler vite...
- Dans la descente du col des Abeilles, un pic de puissance évoque le coup de bordure provoqué par l'équipe Astana, qui a vissé afin d'écrémer le peloton avant d'entamer la route étroite de Bédouin, Les Saxo ayant bouché les trous.
- Dans la courte ascension du col des Abeilles, la FC de CAS passe des 150 bpm lue dans les cols précédents à 165 bpm en moyenne, pour une puissance toujours constante à 325w environ. Je pense que cette élévation cardiaque est à relier à la forte chaleur de ce jour là et probablement à une déshydratation débutante.
3/Le pied du Géant
CAS est un équipier de luxe, son boulot sera au pied du Ventoux de protéger ses patrons, les frères Schleck, aidé par l'autre Sorensen de l'équipe. - En gros il se met à bloc aussi longtemps que possible avec ses leaders dans la roue, ce qui aura pour conséquence de réduire à une toute petite dizaine le nombre de coureurs capables de le suivre, dont Contador, Armstrong, Niballi, Les Schleck et quelques autres. Il est capable à ce moment là de développer 398w pendant 20mn, ce qui constitue un CP20 compatible avec une FTP de 398*0.95=378w. On retombe sur ses valeurs références, mais cela montre bien qu'il s'est vraiment dépouillé en ce début de montée.
- Une donnée importante, qui peut nous être utile, à nous simples poireaux: La force appliquée au pédalier par CAS est constante tout au long de la montée du Ventoux, même au pied, de l'ordre de 40 Nm. J'ai pu mesurer cette valeur similaire sur chaque montée du Danois, dans d'autres étapes, il ne les dépasse jamais, sa puissance n'augmentant que par augmentation de la cadence de pédalage. Ceci est bien visible sur le graphe ci contre, et donne donc une idée du travail à accomplir pour nous. Lorsque je regarde mes propres courbes, je suis aussi à 40 Nm, mais à 60/65 rpm!...C'est idiot mais j'étais persuadé que les pros faisaient la différence au niveau de la force. Et bien non.
- Derrière lui, un peu abrités, les Leaders ont pu prendre sa roue, mais ils doivent aussi forcement se mettre un peu à bloc, même si l'abri existe, il est minime sur une ascension à 10% de moyenne, quasiment à l'abri du vent puisqu'en forêt.
Disons simplement que les autres étaient aussi vers 6.3w/kg à ce moment là, peut être 6.2 en tenant compte de l'abri.
- sa fin d'ascension est raisonnable, il termine à 340w, ce qui est remarquable après 20' passées à fond. Il termine tout de même 34eme de cette étape...
- Quid de ses leaders? Nous avons vu que pour le suivre, les Shleck ont dû développer environ 6.2w/kg en début de montée, pendant 20'. Il restera une bonne demi heure d'ascension qu'ils n'ont sans doute pas continué à cette allure; on a vu Andy Schleck provoquer 8 ou 9 attaques face à Contador, entrecoupées de temps faibles. Mais comme nous n'avons aucune donnée chiffrée il est impossible de donner une valeur fiable. Evoquons tout de même une puissance de l'ordre de 6.1 ou 6.2 w/kg pour cette montée pendant 1 heure pour les plus costauds, cela reste humainement réalisable...
2 commentaires:
Bravo pour cette analyse.
Surtout pour la découverte de ce point primordial : "sa puissance n'augmentant que par augmentation de la cadence de pédalage"
Merci Franck. C'est effectivement un point très intéressant et remet un peu en question dans mon esprit le travail de force...ou alors dans un contexte réèl de travail associé en puissance.
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